Pourquoi ce site? Pourquoi cette bannière et qui sont les personnages qui l’illustrent ? Quel est sa mission? Qu’on me permette une (très longue) introduction qui se voudra aussi l’à-propos de Vaisseau Terre.
Ivan
Dans les toutes premières pages de son essai Une société sans école, le philosophe Ivan Illich écrivait qu’il fallait en finir avec l’institution scolaire. De dire Illich, c’est dans notre société scolarisée que l’élève « apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l’éducation consiste à s’élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence, que savoir utiliser le langage permet de dire quelque chose de neuf… Son imagination, maintenant soumise à la règle scolaire, se laisse convaincre de substituer à l’idée de valeur celle de service : qu’il imagine, en effet, les soins nécessaires à la santé, et il ne verra d’autres remèdes que le traitement médical ; l’amélioration de la vie communautaire passera par les services sociaux ; il confondra la sécurité individuelle et la protection de la police, celle de l’armée et la sécurité nationale, la lutte quotidienne pour survivre et le travail productif. Santé, instruction, dignité humaine, indépendance, effort créateur, tout dépend alors du bon fonctionnement des institutions qui prétendent servir ces fins, et toute amélioration ne se conçoit plus que par l’allocation de crédits supplémentaires aux hôpitaux, aux écoles et à tous les organismes intéressés. »
« Je voudrais m’efforcer de montrer que cette confusion entretenue entre les institutions et les valeurs humaines ainsi que le fait d’institutionnaliser ces valeurs nous engagent sur une voie fatale. »
Malheureusement pour nous, ses sages paroles, révolutionnaires pour l’époque, n’ont eu de suite dans nos institutions du savoir. Pis, qui aujourd’hui nierait que l’école n’a aucunement besoin d’être réformée ? Le philosophe Jacques Dufresne, dans un texte publié à la mort d’Illich affirmait que « l’école, les transports, la médecine sont devenus des institutions qui éloignent leurs clients des buts que ceux-ci disent poursuivre à travers elles. Les écoles rendent bêtes, les transports paralysent et la médecine rend, plus que malade, obsédé par la Santé et incapable d’accepter la mort. Ces affirmations, qui choquaient encore il y a trente ans, sont aujourd’hui des banalités. »
Tristement, son œuvre aujourd’hui (Libérer l’avenir – Une société sans école – La Convivialité – Némésis médicale – Énergie et équité, Le Chômage créateur – Le Travail fantôme – Le Genre vernaculaire – H2O, les eaux de l’oubli – Du lisible au visible – Dans le miroir du passé) est occultée. Pourtant, elle m’a marqué tout autant que l’homme que j’ai eu le privilège de rencontrer. Et elle est tout aussi pertinente de nos jours que lors de sa publication. On comprendra pourquoi il est un de mes « mentors » et qu’il illumine ce site.
Pour la petite histoire, savez-vous qu’il existe un projet de ville alternative qui se nomme Illichville, une ville qui se voudrait en totale opposition avec modèle actuel de cité ? Illichville, si jamais elle voit le jour, ne sera pas basée sur l’automobile. Elle se voudra plutôt un espace conçu par et pour ses habitants, un endroit où les piétons, les cyclistes, les utilisateurs du transport en commun et de nouvelles formes de transport alternatif seront rois et maîtres. Un modèle basé sur la décroissance et la convivialité, un thème si cher à Illich.
Qui de nos jours oserais dire, «Illich? Dépassé!»? Sûrement pas Jane Jacobs.
Jane
Dans son livre Déclin et survie des grandes villes américaines, celle qui fut autrice, journaliste, militante et philosophe de l’urbanisme «a remis en question les idées reçues en matière de planification de reconstruction».
Jane Jacobs. Un autre mentor virtuel. En ces temps incertains, à une année des élections municipales, il serait tellement enrichissant de l’entendre s’exprimer sur les enjeux d’urbanisme. Souvenons-nous que Jacobs avait mené (avec grand succès) la bataille du Village alors que Robert Moses envisageait de faire passer une autoroute à 4 voies au travers de ce lieu mythique new-yorkais.
Ami lecteur-trice, il faut lire l’oeuvre de Jacobs dans son intégralité. En commençant par cette œuvre majeure Déclin et survie des grandes villes américaines dans lequel elle évoque «principalement des questions simples tirées de la vie quotidienne : par exemple, dans une ville, quelles sont les rues où il n’y a pas de problèmes de sécurité et celles où il y en a? Pourquoi certains jardins publics sont-ils des endroits agréables et d’autres des foyers de criminalité? Pourquoi certaines zones de taudis continuent-elles à s’enfoncer dans leur misère alors que d’autres en sortent, en dépit des obstacles d’ordres financier et administratif? Pour quelles raisons des centres villes ou des quartiers d’affaires se déplacent-ils? Qu’est-ce qu’un quartier dans une grande ville et quel est son rôle?»
En bref, elle entendait «décrire le fonctionnement d’une ville dans la réalité car c’est la seule façon de connaître les principes d’urbanisme et les règles de reconstruction susceptibles de promouvoir la vitalité économique et sociale d’une grande ville, et, a contrario, les principes et les règles susceptibles d’étouffer cette vitalité.»
Buckminster
Quiconque ayant vécu les grandes années de la contreculture sait qui est Richard Buckminster Fuller, architecte, designer, inventeur, écrivain, penseur des communautés alternatives et futuriste américain. Plusieurs décrivent Fuller comme le plus grand esprit universel du XXe siècle, un véritable homme de la Renaissance.
Si les Montréalais le connaissent pour son dôme géodésique situé sur l’Île Ste-Hélène, d’autres reconnaissent en lui celui a tenté de revoir le design, la mobilité, le logement, la cartographie et surtout la viabilité de l’espèce humains. Son livre, Manuel d’instructions pour le Vaisseau Terre, a directement inspiré la création de ce site.
Pour Fuller, militant écologiste, le vaisseau Terre était un « véhicule » aux ressources limitées et professait « l’ephéméralisation » qui — selon les futuristes et son disciple Stewart Brand (nous reviendrons sur Brand) — signifie essentiellement « faire plus avec moins ».
On comprendra que Bucky était préoccupé par la survie de l’espèce humaine, considérant que, selon lui, « la capacité technologique pour protéger, nourrir, soutenir et accueillir tous les besoins d’épanouissement de la vie » avait atteint la limite de l’acceptable.
Sachant que « les principales ressources recyclables qui avaient déjà été extraites de la terre avaient atteint un niveau critique », Fuller croyait la technologie, une technologie au service de l’humanité, pouvait adresser les grands enjeux de survie du Vaisseau Terre. C’est ce que nous croyons aussi.
Outre ses écrits, lui survivent près de trente heures d’enregistrement vidéo où il décrit sa vision de l’humanité. Un grand mentor virtuel.
Michel
Typographe, imprimeur, chorégraphe, pionnier de la micro-informatique au Québec, précurseur du numérique, professeur de communication et futuriste comme Fuller, plusieurs surnommèrent Cartier le Marshall McLuhan du Québec.
Début des années 1990, peu de temps avant le Web, Michel réunit autour de lui plusieurs têtes pensantes et fonde le Réseau de veille de technologies d’information.
Cartier a aussi « participé à l’implantation des réseaux Platon, Télidon et Internet et a exploré l’enseignement à distance, le e-gouvernement, l’édition électronique et la création d’une nouvelle écriture médiatique ».
Et pour plusieurs ici au Québec, il est notre mentor.
Empruntant à Buckminster Fuller une vision semblable de l’humanité, Michel Cartier a récemment terminé la mise en ligne de son œuvre ultime, Le XXIe Siècle. D’entrée de jeu, Cartier affirme que « nous vivons la fin d’un monde, mais aussi le début d’un nouveau ».
C’est ce que nous croyons aussi. Et c’est pour les habitants actuels du Vaisseau Terre et ceux qui viendront l’habiter d’ici peu que j’ai créé ce site.